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Galerie de verdure à Vals les Bains

Ce que je retiens de cette journée singulière, c’est cette ligne de tableau flottant dans le vent. Au milieu des feuilles mortes tourbillonnant dans l’air, des gouttelettes d’eau projetées des fontaines, du sable soulevé depuis le sol par les rafales… Accrochés entre un malicieux platane et un rogue réverbère, sur une chaîne et sous une ligne de fanions rouges, comme un possible retour à la liberté de ces émotions emprisonnées dans nos cœurs…
Malgré la chaîne qui les entravaient symboliquement, des dessins portés par le vent comme restés sauvages, dos-à-dos barrant le passage d’une allée, bordant une autre et reflétant la lumière du soleil sur leurs pigments bruts. A moins qu’il ne s’agisse de notre lumière ?
 
Et puis des mots placardés sur un tronc. Comme si une voix était donnée à cette nature qui nous veille, alors que nous l’exploitons sans vergogne (c’était hier le jour « du dépassement »). Un texte brut apolitique mais qui replace l’art dans son essence politique. Un cri. Un appel.
La rencontre était dans l’air plus que dans les paroles. Ces dessins ont regardé les gens qui passaient. Beaucoup mangeaient une glace. Certains d’entre eux courraient, comme aimantés par le parc d’attraction au bout de l’allée, attirés par les tubes de l’été crachés des hauts-parleurs. Certains ont jeté un regard. Certains se sont arrêtés. Certains ont fait une rencontre… Ceux qui sont venus me parler étaient des femmes. Comme souvent. Et nous avons échangé des mots de peu, des mots du cœur.
 
A la fin de la journée, les dessins étaient émus de ces rencontres. Je l’ai bien senti. Moi j’essayais de rester harmonieux mais au fond de moi, j’étais déçu. Ce qui me touchait, c’était que si peu de monde se soit arrêté pour les rencontrer, alors que c’était seulement leur deuxième sortie (en 4 ans) et la première en Ardèche. Et aussi que je n’aie pas encore vendu une première carte d’amour… Je me sentais abattu. Je doutais de mon « utilité », de mon travail, de mon chemin…
 
On m’a demandé si ça s’était bien passé cette journée, moi je ne savais pas trop qu’en dire… A quoi jauger cette « réussite » ? Alors ils me demandaient si j’avais bien vendu ? Non, je n’avais pas vendu un seul dessin ! Et je trouvais aussi que ça n’avait pas de sens tout ce travail pour ramener quelques piécettes à la maison… Au fond de moi, j’avais un peu l’impression d’écrire pour des gens qui ne veulent par lire ; de dessiner pour des gens qui ne veulent pas regarder ; d’être là pour des gens qui ne veulent par rencontrer. J’avais vu les regards déquiétés. Entendu les remarques expéditives (brrrr, c’est sombre). Senti les moues moqueuses. Bien sûr je ne leur en voulais pas mais je me sentais un peu triste. et puis démuni. J’avais l’impression de voir des familles se précipiter sur le chemin de la vie sans prendre le temps de sentir ce qui les faisaient courir… Je me sentais suffisamment touché pour faire une pause.
 
Il n’est pas facile de reconnaître un grand moment. Un pur moment. Il est tellement facile de passer à côté, de regarder ailleurs, de regretter ce qui ne s’est pas produit… De jauger la nature d’une expérience au regard des autres, ceux-là qui s’indiffèrent ou manifestent des réactions hostiles… De transformer le doute substantiel de l’artiste en remise en cause de ce qui nous habite. De ce que nous sommes. Je me sentais perdu.
 
Mais j’ai entendu les dessins qui discutaient entre eux, dans de grands éclats de joie. Ce qu’ils ont retenu, les dessins, ce sont ces regards comme des graines semées dans le vent ; ces encouragements (« c’est beau », « c’est vivant », « c’est fort », « c’est exactement ce qu’on ressent à l’intérieur »…) et ces âmes qui les ont reconnus. Ils jubilaient. Et ils avaient envie de recommencer ! Ils étaient pleins de gratitude et m’en ont donné un peu…
 
Et alors finalement, j’ai trouvé que ça valait la peine, toute cette préparation, toute cette fatigue, tout ce vent dans les allées et ces quelques piécettes offertes de bon cœur contre une aventure de lecture… Et ces mots écrits sur les arbres, et ces dessins qui dansaient dans le ciel…
Ils ont raison, je dois reconnaître que cette journée était un pur moment !
 
Merci à toutes celles et tous ceux qui ont rendu possible cette aventure incroyable.
 
S

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