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Crise du partage ?

Mardi 11 août 2015, 9h du matin. Je prends humblement la route de Vallon-Pont d’Arc. Il fait encore frais. J’arrive sur le parking de la Biocoop 10 minutes plus tard. Sylvie et Émilie sont en pleine action dans le magasin. Elles m’accueillent avec le sourire : « Installe-toi où tu veux ».
Je décharge mes deux présentoirs sauvés de la benne lors du rachat d’un magasin local par une licence… Je déplie ma table pliante métallique, qui m’aura accompagné dans tous les salons et tâche de l’habiller des feuilles récupérées à l’imprimerie (pas facile pour une table ronde !). Je me suis posé à côté de la caisse, en face des chips. Je déballe une vingtaine de livres, quelques marque-ta-page, un stylo… J’arbore mon nouveau T-shirt violet -en coton bio- avec l’adresse du site dans le dos et devant : « Rise and Shine ». Je suis prêt.Tshirt rise and shine

Le magasin est plutôt calme. En fait il est grand. Les personnes se succèdent. Essentiellement des vacanciers, reconnaissables par leur tenue, leur bronzage et le contenu de leur panier… Pas facile de retenir leur attention avec mon estanco… Je savais à quoi m’attendre ; je suis heureux d’être là. Puis viens le premier échange. Timide. Mais sincère. Une fois la glace brisée, la discussion se développe et la magie du partage opère. Derrière le vacancier détendu, l’homme stressé n’est jamais loin… Il faut dire que malgré nos différences, en Gironde ou en Ardèche, nous vivons tous dans le même monde… La confiance permet l’écoute, la compréhension. Puis passe Annie, réservée, réfugiée derrière ses lunettes de soleil, elle subtilise le livre repéré par sa petite fille… Impossible de savoir si elle a compris le projet… Confiance !

L’heure du repas. Je saute dans ma voiture et rentre déjeuner à la maison. C’est l’heure des titres du JT de 13h. La Une présente une première en France : la fermeture d’un service d’Urgences dans le Cotentin, à l’hôpital de Valognes ! La faute au manque de personnels soignants partis en vacances… C’est ballot. Pour les habitants, il faudra monter sur Cherbourg ou appeler le SAMU. Puis c’est la crise du porc. D’un côté des éleveurs qui, malgré des investissements dans des installations (on ne parle plus de ferme) de plus en plus grandes, vendent à perte en dessous de 1,4 € le kilo, de l’autre des industriels qui, malgré des profits confortables, refusent un tarif équitable trop décalé du prix « du marché » tiré vers le bas par les allemands et les danois… Peu importe pour eux que la marchandise soit française ou des îles Sandwich ! Au milieu, un ministre de l’agriculture qui fait la morale aux méchants industriels, oubliant qu’il fait partie de ceux qui ont mis en place et soutiennent cette Europe libérale qui dévitalise notre société… Après la remise en marche des centrales nucléaires au Japon, malgré l’opposition de la population, et la pollution du fleuve Colorado par l’agence de l’environnement suite à une fausse manœuvre (sic) c’est la crise Grecque. Un nouveau plan d’ « aide » de 85 milliards d’euro vient d’être accordé (à qui : aux grecs ou à leurs créanciers ?) : des milliards contre la destruction d’un modèle social déjà bien fragile. Tout le monde sait que la dette n’est pas remboursable et que ce plan n’améliorera pas le sort de la population mais tout le monde fait comme si…

J’éteins la télé. Je la préfère de plus en plus souvent éteinte. Je me force parfois à l’allumer pour me rappeler le monde dans lequel nous vivons, bien que je m’y reconnaisse de moins en moins. J’y décèle invariablement nombre d’ingrédients qui ont alimenté mon épuisement. Un monde dans lequel je me sens étranger.

Alors c’est avec joie que je retourne à la Biocoop. Je sais qu’il n’y aura pas de miracle. J’ai constaté les limites de ces journées à plusieurs reprises : il n’est pas naturel d’établir un partage dans un magasin, fût-il bio et coopératif… Mais entre deux méditations contemplatives face aux paquets de chips, des personnes s’arrêtent parfois et s’ouvrent à un échange aussi simple que précieux. Essentiellement des vacanciers pour cette journée-là, venus de toute la France. Eux aussi partagent le constat de cette époque qui se dévitalise et ça fait du bien d’en parler… Il y a Monique, en fauteuil roulant, qui garde le regard pétillant malgré la maladie. Et Frédérique qui travaille dans le milieu de l’art et lutte contre l’artketing… Brigitte et Fabien, les deux amoureux, ont eux déménagé et changé de vie… Thierry est un cadre pressé : mais il en garde sous le pied…

Il est 19h, l’heure de remballer. Le livre est parti en voyage à Tours, Montreuil, Bordeaux, dans le Var et à Vallon… Je suis heureux d’imaginer ces graines de partage semées dans tout l’Hexagone à partir de l’Ardèche ! Et puis j’ai fait la connaissance de Sylvie et Émilie qui œuvrent sans bruit à un monde différent, moins brutal, plus humain. Je suis rentré fatigué mais harmonieux. Ce monde-là n’est pas parfait mais il m’inspire de plus en plus. J’ai senti aussi que le livre commençait à s’éloigner un peu pour laisser la place à un nouveau projet créatif… Guérir par le temps. Une drôle d’idée…

Merci Sylvie pour votre accueil 🙂
Merci à toutes les personnes rencontrées ce jour-là, jardiniers du partage…

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