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LA RÉUSSITE EN QUESTION

L’une des questions que l’on m’adresse très souvent est :  » Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? « .Rencontre tout simplement 77
Je tente alors maladroitement de décrire en quelques mots l’aventure identitaire et créative dans laquelle je suis embarqué… avant d’être rapidement coupé par  » Et tu arrives à en vivre ?  » ce à quoi je suis bien obligé de répondre (alors que je me demande fugacement comment je pourrais bien survivre hors de ma réalité avant de traduire sa question dans le plan matériel, mais c’est bien-sûr, qui semble déterminer mon interlocuteur comme appartenant à la norme de mes contemporains homo œconomicus) un peu embarrassé, que non. Mon enquêteur, semblant paradoxalement conforté par ma réponse, s’étonne néanmoins aussitôt  » Comment fais-tu pour vivre ?  » sans que je sache s’il s’agit là d’une inquiétude sincère, d’une enquête discrète, mais non moins fourbe, en vue de débusquer un éventuel assisté social ou d’une injonction cachée à reprendre le droit chemin du travail salarié productif, du genre de ceux pour lesquels on a pas besoin de tenir la jambe de son allocutaire qui a eu la malheureuse politesse de vous demander ce que vous faisiez dans la vie, alors qu’en fait il s’en fiche, pour lui expliquer, dans un charabia qui ne l’intéresse pas plus qu’il ne l’éclaire, et qui lui semble interminable autant qu’insupportable (là j’exagère un peu je reconnais) bref d’arrêter de faire l’intéressant !

A noter, au passage, que les réactions non réactives du type  » Parle-moi de ce projet passionnant  » ou « C’est important de travailler à des projets vivants dont la valeur se situe ailleurs que dans une valorisation financière immédiate… » restent de l’ordre du rare, ce dont je m’étonnerais peut-être moins si j’avais écouté la personne -elle m’avait prévenu- qui a un temps suivi la naissance de ce projet improbable et qui ne jurait que par l’étude de marché…

IMGP3426 - CopieMais je m’égare. Toutes ces questions me font inévitablement m’en poser une autre :  » Pourquoi est-ce que je n’arrive pas à vivre de mon activité si elle est juste ? « . C’est vrai ça mince alors ! Et il m’est difficile de répondre à cette question sans envisager la publication de Burn-out : la fin du rêve comme un échec.

C’est qu’après ce qui m’est arrivé, j’attache un soin particulier à ne plus rêver, à prendre la mesure des choses et à rester pragmatique… Comme l’ancien alcoolique redoute l’apéro, l’épuisé redoute l’utopie. C’est qu’elle lui serait fatale.

Et force est de constater qu’à vue de calculette, le Projet 58 n’est pas une réussite. Que ce soit sur le plan économique, médiatique, partenarial et même participatif… c’est une vaguelette dans l’océan. Bref, une expérimentation qui avoue ses limites, comme nombre d’expérimentations alternatives qui, tentant de se frayer un chemin en marge du « main stream », finissent par être récupérées par le grand capital -celui-là même qu’elles ambitionnaient hier de révolutionner- ou au fin fond des oubliettes de la Bastille matérialiste…

Pourtant, aujourd’hui, j’ai senti tout ce que ce projet portait comme réussites. Et j’ai eu envie de les proclamer pour les reconnaître et les partager.

En fait, il me faudrait écrire un livre pour toutes les recenser et les accueillir (pas sûr que je tienne là un best seller…). arcenciel
Je pense d’abord aux si nombreuses rencontres que cet ouvrage a engendrées. De sa fabrication à son partage, que de regards échangés, d’émotions croisées, d’histoires exhumées… Des partenaires du livre à ses centaines de lecteurs, quelle richesse et quelle vie concentrées autour de ces quelques pages… Et des lettres. Et des courriels. J’ai même reçu un livre, une proposition de montage vidéo, un manuscrit, un trèfle à quatre feuilles, des magazines alternatifs, des adresses de sites internet inspirants, des invitations à d’autres rencontres… qui ont chacun et chacune dégagé de nouveaux possibles

Avec toujours cette même énergie de vie. Qui manquait tellement auparavant à mon horizon. Est-ce là une simple réaction à ce livre ou le signe que ma bougie intérieure rayonne plus grand ? Je peine à réaliser que ce projet est tellement intégré dans ma vie qu’en fait de projet, il est ma vie. Les lieux, les nouveaux projets et même les amis qui dessinent mon chemin sont issus de cette graine, de cette dynamique !

Plus incroyable encore, cet élan créatif qui me traverse, jusqu’à parfois me submerger. J’écris, je dessine, je compose, je chante, j’imagine, je combine, je voyage, je prends mille notes sur des petits carnets qui s’entassent… et toutes ces bribes -en apparence insensées- migrent, inexorablement, dans mon esprit pour se transformer petit à petit en pièces uniques d’un puzzle qui s’harmonise jour après jour et qui constitue le tableau de ma vie ! Un tableau dont je fais partie, dont je suis partie devrais-je écrire, en tant que chaque pièce et en tant qu’ensemble, désordonné et, ou ordonné.

Est-ce moi qui grandit ? Est-ce mon œuvre ? Ou alors les deux ? Est-ce le monde, peut-être aussi ? Un peu, j’ose le sentir… Et pourquoi pas ?Nuage mots main

Je ne crois plus que la fin justifie les moyens. Mais je sens que La fin du rêve valait le coup d’être écrite et partagée comme elle l’a été, comme elle l’est et comme elle continuera de l’être… C’est vrai que ce livre m’a coûté de l’argent au lieu de m’en rapporter. Mais ce serait une erreur, une vraie celle-ci, de considérer que ce livre n’a pas de valeur. Il a pour moi une valeur inestimable, une valeur immatérielle « qui ne se voit qu’avec le cœur » et qui m’a apporté plus que ce que le meilleur des salaires peut promettre. Du fond du cœur, j’adresse ma profonde gratitude à tous ceux et toutes celles qui vivent la fin du rêve.

Pour le reste, je ne sais pas. Il faudra le vivre, le moment venu. Et c’est bien ainsi.

 

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