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Habiter l’instant, comme l’oiseau habite le ciel…

Mardi 31 juillet, c’était la dernière pour moi au marché nocturne de Vals-les-Bains. Quatre soirées avec chacune sa saveur. Et quatre articles pour savourer le plaisir de se les remémorer et de les mettre en perspective… Cette fois, c’est à distance, juste avant de partir en vacances… Donc pas de photo, juste un petit texte qui s’invite comme une carte postale…
Il y a plusieurs cas de figure dans la vie. Il y a des moments où l’on croit être à sa place mais où, en réalité, on s’en persuade avec plus ou moins d’artifice et de malice. Cela peut durer toute une vie. A d’autres moments, on a tout à fait conscience de ne pas être à sa place mais on ignore complètement celle que l’on aimerait occuper ! C’est très inconfortable… Pas plus confortable le cas de figure qui consiste à savoir où est sa place et à s’y précipiter au lieu que de se laisser émerveiller par le lent et improbable chemin sensé nous y conduire … Enfin il arrive que l’on se sente complètement en phase avec le présent et que l’on habite délicieusement l’instant… Mais même à ce stade, rien n’est acquis. Qu’un doute s’insinue quant à savoir si cette place est vraiment la sienne et patatras, nous voilà instantanément apatride !
C’est pour ça que le marché, c’est bien, parce qu’on y a sa place réservée… C’est sûrement ce que je me disais, mardi dernier en roulant jusqu’au parc de Vals-les-Bains pour ma quatrième et dernière soirée au marché nocturne… Je pensais me poser tranquillement au même endroit que la semaine précédente, à l’ombre rassurante du LeMokiroule, la librairie nomade de Pascale. En arrivant à 16h30, sur l’esplanade sableuse du parc, la voiture souleva un nuage de poussière qui satura un peu plus l’atmosphère étouffante de cet après-midi caniculaire. Je remontai la rue encore en construction de ce petit Daily Town éphémère… Mais le camion coloré, qui brillait habituellement par sa carrosserie colorée, brillait cette fois par son absence ! Après le départ de mon acolyte Simon Bugnon, photographe naturaliste en troisième semaine, c’était au tour de Pascale de m’inviter une nouvelle fois à l’improvisation, comme si la vie n’était qu’une suite d’impermanences ! Diantre ! J’observai le chantier à l’oeuvre. Chacun et chacune installait son stand, à sa place réservée, pendant que l’heure tournait. Je cherchais un point d’attache. Maleaume Hirsch et ses œuvres d’art n’étaient pas là. Les artisans verriers du Boutique de bistanclak, bijoux & déco étaient quant à eux entourés de leurs voisins habituels. Il restait bien une place libre en bout de ligne, dardée par le soleil brûlant, mais je n’avais pas envie cette fois-ci d’être en marge. Sur ce, Elodie arriva dans sa vieille auto qui semblait en avoir vu d’autres. Elle s’était gentiment fait piquer sa place mais cela semblait lui aller. Après une minute, on a décidé de faire cause commune et de se poser sur la fontaine ! Moi, quand je suis près de l’eau, ça va. Elle, a exposé ses jolis paniers sombres dont les tiges de saule semblaient frétiller au plus près du bassin. J’ai dressé mon vieil escabeau, ses pieds dans l’eau, pour supporter les flammes de ma colère ; le feu et l’eau, un couple légendaire… Et finalement, à 17h et quelques passants, nous étions installés. A l’ombre ! Pensant avoir recouvré notre place, comme le cirque monte son chapiteau sur la place d’un nouveau village chaque matin, j’étais confiant et de bonne humeur au milieu de cette communauté d’un soir.
Puis, pendant quatre heures, rien. Il ne se passa rien. Pas une rencontre. Pas un regard. Pas une parole échangée. Comme si le stand était invisible. La chaleur était pesante. Je ressentais une profonde fatigue et je me demandai un instant si cette fatigue ne gommait pas réellement mon image. Je me sentais flotter, dans un ailleurs, entre les vapeurs de friture et les gouttelettes de la fontaine portées par le vent chaud… J’en profitai pour avaler mon casse-croûte et une rasade de sucre pour reprendre consistance, et aussi pour aller à la rencontre des autres exposants car je ne les connaissais pas encore tous. Je rencontrai Clément, de la ferme de la Bisette à Genestelle, qui dorait ses frites maison dans un premier bain de saindoux, deux copines qui exposaient des bijoux créés entre Lyon et l’Ardèche et Gabrielle qui venait d’atterrir avec La Soucoupe Roulante… Chaque fois, je découvrais une aventure et une histoire singulières. Je rentrai vers la fontaine. J’étais envahi d’une profonde torpeur mélangée à une étrange légèreté. Au fil du temps qui transpirait, je me faisais à l’idée saugrenue de ne faire ce soir aucune rencontre alors même que le flot des passants s’épaississait… Je pensai d’abord fugacement que la colère les effrayait peut-être. Ou que ma table n’était pas posée dans le bon sens. Ou qu’il faisait encore trop chaud. Puis je ne cherchai plus d’explications et appréciai simplement le fil de ma discussion avec Elodie, qu’elle tressait en même temps que ses brins d’osier. Je me dis simplement que je me sentais bien ici et maintenant.
Alors, vers 21h30, je réussis à établir le contact avec une famille lyonnaise qui regardait du coin de l’œil la couverture du livre… Nous fraternisâmes comme si nous nous connaissions depuis longtemps. Puis je rencontrai une famille venue d’Amboise, deux globe-trotters en escale, un directeur de colo… et puis aussi les copains et copines des autres stands venus échanger puisque c’était ma dernière… Bref, à 22h30, alors que notre rue commençait à se raccourcir du fait du démontage des premiers stands, c’était l’effervescence joyeuse à la fontaine !
A minuit et quart, plus d’une heure après la fin officielle du marché, ses derniers visiteurs, un couple de belges, me saluèrent d’une accolade fraternelle après une longue et belle discussion sous les étoiles. Scène irréelle que ce stand improbable, orné de cette colère flamboyante, au milieu du parc désert, silencieux et envahi par la nuit. Je pensai alors, à ce moment suspendu dans le temps, à un quatrième cas de figure en plus de ceux évoqués ci-dessus, le plus sournois peut-être. Celui qui vous amène parfois à penser que vous n’êtes pas à votre place alors même que si, vous y êtes, en plein dans le mille ! Sauf que tout n’est évidemment pas parfait et que cela peut vous amener à douter et pourquoi pas à chercher ce que, du coup, vous ne pouvez trouver… Et je souris. De fatigue et de joie. Au marché comme ailleurs, l’important n’est pas tant d’avoir une place, me dis-je, fût-elle réservée, que de l’habiter en suivant son intuition, avec humilité et confiance. Habiter l’instant, comme l’oiseau habite le ciel.
C’était une belle expérience ce marché ! Merci aux bénévoles d’Anim’vals et tous les copains et copines, particulièrement Simon, Pascale et Elodie pour la joyeuse cohabitation Je vous souhaite à tous deux beaux mardis à venir, un bel été et vous dis à l’année prochaine !
Et de belles vacances, pour revenir à la plume et au clavier avec enthousiasme… Tiùss.
S

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