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Où commence l’expérience de lecture que d’aucuns veulent actuellement défendre ?

Bonjour à toutes et à tous,

le salon du livre d’Aubenas qui devait avoir lieu les 5 et 6 décembre prochains est reporté à une date ultérieure…
Après l’annulation des concerts et le report des rencontres en magasins bio, cela me laisse songeur… L’agenda est vierge ; c’est le temps du silence. Peut-être pour quelques semaines. Peut-être pour toujours, qui sait ? A moins que ce ne soit le temps de l’écriture… Les pensées me traversent et se coagulent comme des gouttes d’eau sur une vitre.

Je me disais ces derniers temps que c’est ironique de constater comme le système capitaliste (je dis ça sans arrière pensée politique, je fais référence à la consommation de chacun.e de nous) détruit indiciblement le vivant et, lorsqu’une crise survient (que je vois comme une conséquence indirecte de ce système), intervient violemment en prétendant la résoudre mais ne fait qu’accentuer les choses dans un cycle vicieux sournois…
Il y a de quoi se sentir révolté. Et perplexe, aussi.
Dans un réflexe de résistance, j’entends ici qu’il faut boycotter Amazon (qui n’a jamais si bien fonctionné), ailleurs qu’il faut sauver les librairies (après les soignants au printemps et les profs à la rentrée…) ou là qu’on peut en profiter pour se revendre nos livres d’occasion…
Peut-être.
Mais qu’est-ce que cela va changer dans la condition des auteurs, la préservation de notre nature et surtout, le champ de nos consciences ?

Je m’interroge.
Avons-nous conscience du « pas de côté » à expérimenter ? Je dis expérimenter car cela sous-entend qu’il faut faire autrement mais donc aussi « être » autrement ! Beaucoup d’entre nous ont lu 1984 et pourtant, on glisse sûrement vers un monde toujours plus autoritaire et contrôlé… N’est-ce pas la fonction de l’art que de nous transformer un peu vers ce qui brille en soi ?

Alors je pose une question : quand commence cette expérience de lecture que d’aucuns voudraient préserver ? A la première ligne de la première page du livre ? Mais qu’est-ce qu’un livre ?L’écosystème du livre repose avant tout sur les auteurs qui vivent dans une situation de plus en plus précaire. Ils ressassent pendant des mois voire des années leur histoire au fil des rencontres et des décalages qu’ils vivent dans leur âme et dans leur chair, avant de se pencher pendant des nuits interminables sur leur calepin ou leur clavier pour trouver les mots justes… Puis il y a les éditeurs et les imprimeurs qui travaillent avec les filières papier… souvent de plus en plus délocalisées… Et les commerces qui vendent les livres et les bibliothèques qui les prêtent.

Personnellement, quand je lis un livre, je me soucie avant de le lire de qui est l’auteur, du moment de l’écriture du livre, du lieu de fabrication, de la qualité du papier et de la finition et bien sûr du lieu qui le distribue… Cela fait partie intégrante de mon expérience de lecture. Il y a ainsi des commerces, des auteurs, des lieux de fabrication que j’évite… Cette soif de livres qui émerge, dont on pourrait se réjouir, résonne-t’elle avec « le monde d’après » que l’on rêve ou plutôt avec « le monde d’avant » où l’on voudrait se divertir et sauver un pan économique en péril ? Un peu des 2 peut-être ?

Oui, je crois que les plus beaux et les plus sages livres ont été écrits mais que nous les consommons plus souvent que nous ne les ressentons… Et quelle est la place des auteurs dans tout cela ? Quelle est notre capacité réelle à soutenir les auteurs (et tous les acteurs professionnels) qui nous poussent dans nos retranchements ? Dans nos zones d’ombre ? Dans nos angles morts ? Dans nos absences ? Ou se doivent-ils simplement de répondre à une demande (de qui : des éditeurs ou des lecteurs ?) dans un marché de plus ne plus concurrentiel ? Les auteurs, les journalistes ou les politiques… ont le métier difficile de nous regarder tels que nous sommes… Et cela ne fait pas toujours plaisir mais si on le tente, cela fait du bien. Inlassablement, ils continuent de réécrire le même livre…

Du coup, je trouve cela étrange, en ces temps de crise identitaire (car je considère cette crise avant tout comme une crise identitaire) que les artistes soient bloqués en rase campagne ! Avec ce confinement métro-boulot-dodo, chacun, enfant compris, est considéré pour sa productivité mais… pas les artistes, sommés de rester silencieux ou de changer de secteur ! Comme si la solution (remettre la République debout, recréer du lien dans les écoles, dans les lieux publics, le système de santé, entre les générations et tout et tout…) allait se faire sans eux alors même qu’ils constituent à mes yeux le remède ! A moins que de ne soit pas là la véritable destination ?

Dans ces conditions, c’est vraiment étonnant pour moi de constater que le Livre Vivant, en expérimentation depuis janvier 2015 résonne autant avec cette crise (sur le fond de la crise identitaire, sur le décor de l’épuisement -dénoncé par les soignants, sentinelles sociales d’une société qui se dévitalise et craque- ou sur la forme avec son e-commerce équitable et participatif) en même temps qu’il s’en voit tenu à distance… Le poète Rilke parle de cette solitude qui contraste aujourd’hui d’autant plus avec le bourdonnement des réseaux sociaux !

Alors oui, je propose de rester ouvert à l’expérience de lecture comme une rencontre vivante. Avec l’auteur, avec l’éditeur, avec les personnes qui ont travaillé sur le manuscrit, avec l’imprimeur, avec le fabricant de papier et l’exploitant forestier, avec la personne qui a lu et décidé de faire connaître ce livre à ses futurs lecteurs (un libraire, un journaliste, une bibliothécaire ou un.e lecteur.ice) et aussi avec toutes les personnes qui tiendront plus tard ce livre dans leurs mains… Comme un lien porté par la poésie des mots et des dessins. Un lien qui frappe à la porte de notre mystère intérieur. Et si nous déverrouillions la porte ? Et si l’expérience de lecture était en réalité une proposition de rencontre, à travers toutes ces humanités, avec soi ?

Le livre Burn-out : la fin du rêve est en accès libre sur le site http://burnoutlafindureve.fr/ où on peut commander la version papier à son prix de revient de 10 €. Si vous avez lu et été touché par ce récit, vous pouvez en parler autour de vous. Et le faire voyager !
Et si vous êtes thérapeute, bibliothécaire, libraire, commerçant, journaliste, blogueur, astronaute… vous pouvez partager cette aventure éditoriale autour de vous 🙂 comme les Biocoop d’Aubenas, de Valence, de Voreppe ou de Fontaine ou la librairie du Tiers-temps à Aubenas ou L’échoppe Bio à Joyeuse qui l’expérimentent actuellement…


Allez, je vous souhaite de lumineuses lectures, et de lumineuses rencontres !
Stéphane

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